Tout a débuté en 1221, à Genève : les anguilles du Léman ont répondu, cette année-là, de plusieurs méfaits devant le tribunal épiscopal. Leur avocat les a si bien défendues qu''elles ont obtenu une partie du lac à leur usage exclusif.Puis il y eut des mouches, des hannetons, des escargots, des souris... tous convoqués, entendus, jugés par les Officialités des diocèses de Bourgogne, de Normandie, de Lorraine, d''Italie, d''Espagne. L''un des derniers procès s''est déroulé à Clermont-Ferrand en 1826 contre des sauterelles.Alors que ces multitudes calamiteuses répondaient de leurs actions devant le pouvoir spirituel, les cochons, les chevaux, les chèvres, les vaches, répondaient de leurs crimes devant la justice seigneuriale ou royale. La prison préventive, le gibet, l''acquittement, la réhabilitation, faisaient partie de l''arsenal juridique des baillis et des prévôts à l''encontre des bêtes.Le récit de ces procès tantôt cocasses, tantôt tragiques, révèle une organisation sociale de la Création où hommes et bêtes partageaient, sur un territoire commun, les mêmes devoirs et les mêmes lois. Ces pratiques judiciaires n''ont pris fin qu''au XIXe siècle, avec les travaux des naturalistes sur les origines du monde vivant.